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–  Qu’est-ce que le stalking ?  –

Différences entre le harcèlement et le stalking

Une question revient souvent : quelle est la différence entre harcèlement et stalking ? Nous allons voir ici comment ces deux délits sont distingués l’un de l’autre dans les pays ayant deux législations.

Introduction

« Harcèlement » est un terme générique qui regroupe plusieurs réalités, se différenciant de manière subtile. Leur point commun réside dans le caractère intrusif et néfaste.

Le point commun :
Une personne s’immisce dans votre vie, pour vous faire subir des violences morales, psychologiques et/ou physiques.

« Stalking », « online shaming », « bullying »… Beaucoup de termes anglais circulent actuellement pour désigner différents types de harcèlement. Ces termes anglais ont leurs équivalents en français la plupart du temps.

Nous allons ici tenter d’éclaircir plusieurs termes de vocabulaire ayant cours.

Différences entre harcèlement et stalking

« Stalk » en anglais se réfère à la traque, à la chasse à l’affût.

Le harcèlement est une série d’actions visant, consciemment ou inconsciemment, à exercer un contrôle sur une personne, par le biais des communications.
Le stalking est un harcèlement auquel s’ajoute l’espionnage et/ou l’intrusion physique dans la vie de la personne victime.


Plusieurs questions permettent de différencier le harcèlement du stalking :

a) Quel est l’objet du harcèlement : un sujet ou une personne ?

Le stalking met le focus sur la personne, tandis que le harcèlement met le focus sur un sujet de différence ou de désaccord : opinion, choix, genre, appartenance, religion, handicap, culture, ou encore désaccord contractuel…

Dans le harcèlement, si le sujet de désaccord est résolu, ou est épuisé par lassitude du harceleur, ou que ce dernier passe à une autre fixation, le harcèlement cesse. Pas dans le cas du stalking, puisque c’est sur la personne que le stalkeur se concentre.

Harcèlement : le focus est sur un sujet de désaccord/tension.
Stalking : le focus est sur la personne.

Pour distinguer le stalking, un moyen mnémotechnique est employé, se basant sur les comportements du stalkeur : FOUR, comme Fixation, Obsession, Unwanted (non-souhaité), Répététion.

b) Un degré d’investissement plus élevé chez le stalkeur

« Une différence-clé entre le harcèlement et le stalking est que le stalking est plus à même d’être plus obsessionnellement fixé sur un individu spécifique, sa victime, et qu’il peut faire tout ce qu’il peut pour localiser, suivre ou traquer sa victime si elle essaie de s’éloigner, de changer de job, etc. »
Voir : « Harassment & stalking » par le département de police de Northumbria

Dans tous les cas, le stalking se distingue par sa répétition; le stalkeur-euse commet plusieurs fois l’acte de harcèlement. Ces actes peuvent employer des moyens divers.
Le harcèlement quant à lui peut être qualifié comme tel à partir d’un acte seulement.
Voir : « Differences Between Harassment and Stalking Charges in Somerset » par le cabinet d’avocats Benowitz, Maryland, États-Unis

c) Le suivi : but ou cause de troubles ?

Aux États-Unis, « La loi sur le harcèlement rend spécialement illégal le fait de suivre quelqu’un dans le but de le harceler. De son côté, la loi sur le stalking rend illégal le fait de causer un préjudice mental ou émotionnel à quelqu’un en le suivant. L’infraction de stalking cible le préjudice mental ou émotionnel plus que le fait de suivre; ceci crée des infractions distinctes qui se recoupent. »

« Cela ne signifie pas que le stalking est « la version la plus grave du harcèlement », car ces délits recouvrent parfois des sujets très différents. Le harcèlement aggravé de premier degré (§ 240.31) est vraiment différent du stalking, en ce qu’il recouvre des actions en lien avec « la race, la couleur, l’origine, l’ascendance, le genre, la religion, la pratique religieuse, l’âge, le handicap ou l’orientation sexuelle » de la victime. C’est typiquement d’une charge de crime haineux visant à punir les crimes racistes ou sexistes. Par exemple, le fait d’endommager une propriété religieuse, de brûler une croix ou de dessiner des croix gammées avec l’intention de menacer ou de harceler constitue un crime. Le stalking est davantage axé sur les actions répétitives visant la victime individuelle et non sur la race de la victime. »
Voir : « The Difference Between Stalking and Harassment in Queens » par le cabinet d’avocats Sullivan & Galleshaw, New-York, États-Unis

d) Degré d’impact sur la victime

Pour différencier le stalking du harcèlement, on peut aussi écouter le récit de la victime décrivant ses sensations : elle est affectée physiquement, émotionnellement et/ou psychologiquement par le stalking. Elle a une peur persistante de ce qui pourrait arriver. Il y a intrusion dans la vie de la victime.

Côté harcèlement, la victime se sent oppressée sans être sérieusement alarmée ou perturbée par le comportement du harceleur. Elle craind certains actes du harceleur, sans pourtant être dans une peur constante.

Harcèlement : sensation d’oppression, anticipation d’actes néfastes, peur diffuse mais non-continue.
Stalking : perturbations physiques, émotionnelles et/ou psychiques, anticipation persistante d’actes néfastes, peur constante, intrusion de la vie de la victime.

Voir : « Stalking and harassment » de l’École de Police du Royaume-Uni (.pdf)

e) Des critères de violences physiques… qui doivent être juridiquement élargis aux violences psychologiques

Dans plusieurs États américains, le stalking est distingué du harcèlement s’il y a eu des comportements ou propos menaçants qui font craindre à la victime pour sa sécurité, son intégrité physique et ses biens.
Voir : « Differences Between Harassment and Stalking Charges in Somerset » par le cabinet d’avocats Benowitz, Maryland, États-Unis

La Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique (Istanbul, 2011), dans son article 34 sur le harcèlement, s’inspire des termes des lois en vigueur dans le monde anglo-saxon :

Article 34 – Harcèlement
Les Parties prennent les mesures législatives ou autres nécessaires pour ériger en infraction pénale le fait, lorsqu’il est commis intentionnellement, d’adopter, à plusieurs reprises, un comportement menaçant dirigé envers une autre personne, conduisant celle-ci à craindre pour sa sécurité.
https://www.coe.int/fr/web/conventions/full-list/-/conventions/rms/0900001680084840

Cependant, Suzan van der Aa met en garde contre l’imposition de ce distingo portant sur cette exigence selon laquelle le stalking doit avoir incité la victime à craindre pour sa sécurité. En effet, de nombreux cas de stalking n’impliquent pas des menaces ou comportements violents physiquement. La violence psychologique que constitute l’intrusion dans la vie privée de la victime est une constante dans le stalking et doit être pris en compte.
Voir : « New Trends in the Criminalization of Stalking in the EU Member States » de Suzan van der Aa (« European Journal on Criminal Policy and Research », septembre 2018, volume 24, numéro 3)

Guelke et Sorel soulignent que dans le stalking, le perpétrateur a une volonté d’être présent à sa victime de manière permanente, tandis que les harceleurs non. Afin de mieux prendre en compte toutes les victimes de stalking, ils proposent de rendre centrale le critère d’invasion psychologique :
« En résulte-t-il que les actions des stalkeurs non-violents ne doivent pas être criminalisées ? Pour notre part, la réponse est « Non » : c’est l’invasion de l’espace psychologique et la prise de contrôle psychologique qui doit être traitée comme l’infraction fondamentale. La menace de violence aggrave le mal principal, plutôt que ne le constitue. Pour aborder ce dommage principal, nous avons besoin d’une nouvelle catégorie de préjudice non-violent, ou un élargissement du périmètre de la violence, pour inclure quelquechose comme la violence psychologique, où la prise de contrôle psychologique vaut pour violence psychologique. »

Le critère d’invasion psychologique est primordial. Il préfigure les autres formes de violences possibles : physiques tout aussi bien que psychologiques.

Les législations actuelles mettent le focus sur la peur de violences physiques, la peur pour la sécurité, alors que pour ces chercheurs, c’est la recherche de contacts permanents des stalkeurs qui conduit à une prise de contrôle psychologique qui caractérise le stalking fondamentalement. De plus, cette violation de la vie privée conduit à une dégradation, une perte de l’autonomie pour la victime. Cette invasion débilitante de l’espace privé va en profondeur dans l’espace privé en ce qu’elle vise l’esprit principalement, « l’espace d’émotion, d’attention, de choix, de délibération, de confiance en soi et d’image de soi liée à une forme minimale de respect de soi. » « La débilitation par l’occupation est l’attaque la plus caractéristique contre l’autonomie menée par les stalkeurs. »
Par là même, ne considérer le stalking que dans ses aspects violents physiquement n’est pas suffisant.

La prise de contrôle psychologique du stalkeur par la violation de la vie privée en profondeur de la victime dégrade l’autonomie de celle-ci.

Voir : « Violations of Privacy and Law: The Case of Stalking » de John Guelke et Tom Sorell, Université de Warwick, 2016 (.pdf)

Comme nous l’avons vu, le harcèlement se concentre sur des sujets précis, ou des désaccords, alors que le stalking porte sur la personne.
Voyons maintenant d’autres formes de harcèlement qui ont cours : page « Différents types de harcèlements »